• Geôle charnelle

    Elle tend la main vers l’infernale dune funestement chaude qui se dresse sur sa prison. Tout d’abord, elle a le geste hésitant typique des découvertes. Un mouvement esquissé, puis stoppé : manège répété. Enfin, elle ose. Sa main tremblante se pose. Mou, chaud. Écœurant. Néanmoins, elle ne peut plus décoller son membre, comme fascinée par cette masse immonde. Sa deuxième main rejoint bientôt l’autre dans cette bien fameuse aventure. Toutes deux parcourent doucement cette forme qui étouffe la "ni femme ni enfant". L’horreur est nourrie par cet infâme contact et par le poids de cette encombrante chair. A l’intérieur d’elle pèse tout ce qui fut ingurgité par ce corps qui se sentait vide. Alors que la conscience n’était plus qu’une faible braise, les mains fourbes avaient fauché tout ce qu'elles pouvaient atteindre et l’avait porté à la gueule qui avait tout englouti. La gorge porte encore la trace de l’honteuse nourriture.

    Soudain, elle griffe, tente d’arracher cette peau pesante qui n’est plus sienne et qui est lourde, si lourde…

    Sa pulsion destructrice se calmant, elle fait descendre les doigts assassins sur l’ignoble corps. Derrière eux : des traînées brûlantes sur le ventre. Elle palpe alors les cuisses grasses. Quel immanquable rappel des si nombreuses promesses bafouées. Comme il serait bon d’arracher tout ça, de s’en défaire…. Elle relève la tête. Sourit cruellement à la femmelette prisonnière de la glace alors que cette dernière accueille une gifle en plein visage.

    -Qu’est-ce que tu fous ! Pourquoi….

    Un râle échappe de la bouche souillée.

    Lentement, d’un pas pesant elle se dirige sur son cercueil douillet, laissant la silhouette nue s’arracher du miroir. Un pas, puis un autre et encore quelques-uns. On l’interrompt. Une demande insignifiante.

    -Merci.

    -Pardon.

    Elle s’arrête une demie seconde ressentant l’étrangeté de ces paroles, mais lasse de tout elle reprend sa marche sans plus d’interrogation.

    La voilà bientôt qui s’écroule, épuisée par le poids de la désillusion et par celui de son corps tortionnaire. Le contact de sa peau contre sa peau la révulse.

    Sous elle gisent les rêves et les projets trahis par sa volonté défaillante. Inerte, elle ne peut détacher son regard de son précieux temps qui file au rythme des aiguilles d’horlogerie. Ultime supplice.

     


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