• Le cri du Corbeau

    Il git là. Son corps déployé, ses paupières closes. On pourrait le croire paisiblement égaré dans le monde des rêves si son expression ne se froissait  pas ponctuellement à l’approche de pensées perturbatrices.

    Il doit les faire taire, les ensevelir sous un volume sonore toujours plus conséquent. Il remue péniblement, presse frénétiquement un petit bouton. Peut-être que les accords rythmant les mondes virtuels dans lesquels ils s’évadent quotidiennement pourraient  le soulager ?  Il sourit tristement. Le chant de la pluie, lui aussi, a été engloutit. Tribut inévitable. Il s’immobilise un instant avant d’arracher les écouteurs qui lui obstruaient les oreilles et de les rejeter avec emportement.  Rien ne l’apaise. Les pensées, tournent, remuent et tournent encore dans son esprit!

    Il revoit l’illégitime autorité le forcer à se courber, perçoit la précarité menacer de le percuter, imagine des mains avides se refermer sur la taille aimée… Transperçant. Il saisit sa petite fenêtre ouverte sur le monde, il espère pouvoir s’y évader. Il fait défiler des données collectées en tout point du globe. Insoutenable. L’injustice, la corruption, la pauvreté, l’indifférence gangrènent tous les pays de ce monde condamné. La fuite est impensable. La lumière ne pourra provenir que des explosions. Une solution : la destruction. Et après, la renaissance?

    Soudain une boule de douceur vient se lover contre de lui. Il la touche, perd ses doigts dans un pelage soyeux. Sensation salvatrice. Un sursaut de vie le réanime. Il se lève, perdu et résolu. Il se saisit instinctivement de l’arme des créateurs. Alors qu’il s’assoit et la fait courir sur le papier il voit petit à petit se détacher un détenteur de liberté. Lui, il peut explorer sans limite, il peut lutter contre tout ce qui lui semble nocif, influencer toutes les âmes croisées. Quant à lui, il est là, coincé, immobile, incapable de faire des choix.

     Est-ce la vérité ou un refrain perpétuellement ressassé ?

    Il peut bouger, il peut refuser, il peut protester, il peut dessiner , il peut penser, il peut apaiser, il peut rêver, il peut s’en aller, s’évader, il peut aimer, il peut jouer, il peut créer,  il peut amuser,il peut observer. Il ne peut pas abandonner.

    Alors que ses pensées l’ont emporté, peut-être même égaré, on pénètre dans son antre. On s’empare délicatement de sa main. Il émerge doucement. Un sourire familier, un corps sur lequel se reposer. Peut-être que cela lui transmettra la force nécessaire pour qu’il puisse se confronter à la réalité sans être brisé? Et pourquoi ne pourrait-il pas plutôt tenter de l’altérer ?


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