• Et ton nom disparaît.

    Et ton visage s'échappe des prunelles de tes chers contemporains.

    Et ton cri n'est plus qu'une rumeur qu'ensevelissent les gloussements. 

    Et tu te débats pour que l'on te sente, tu pleures pour que l'on t'entende.

    Et, quand enfin, brusquement, une gueule s'ouvre sur ton passage, elle ne te concède que des hurlements.

    Faces grimaçantes.

    Faces indifférentes.

    Regards infernaux, insatisfaits.

    Regards fuyants, méprisants.

    Flots de cris, de reproches, de rabaissements. Cris. Ordres. Jurons.

     

    Alors tu te tais. Silence.

    Cascade. Hoquètement.

    Et ta joie se déverse par tes paupières entrouvertes.

    Vide. Tu te relèves. Mécanisme souriant.  Tends ta main à qui en aurait besoin.


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  • L’ursidé au cœur des bois

    Me ramène à toi.

     

    Les doux accents des serments

    Provenant de l’orient

    Me ramènent à toi.

     

    Quand aux lumières nocturnes, les symboles

    Des légendes millénaires se dévoilent,

    Les caresses passionnées du vent

    Me ramènent à toi.

     

    L’encre pourpre sur mes doigts,

    Semblable au liquide qui coule en toi ;

    Les obscures plumes des corbeaux

    Guidant les solitaires au-delà des barreaux

    Me ramènent  à toi.


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  • Claqué.

    Mal au dos.

    Mal à la tête.

    Mal au cœur.

    Je rentre d’une journée de 10 heures. Fatigué .Ma gamine est même pas là. Pas de cœur. En train de se faire sauter. Et ma table, ma table à moi, elle est vide, elle est froide. J’sais pas pourquoi je les ai fait, moi, ces mangeurs de vie. Me sucent jusqu’au sang, me prennent tout ce pourquoi je ne m’arrête jamais de bosser comme une bête. Et derrière ils veulent même pas te voir, oublient de te dire bonjour, mangent même pas le repas que t’as passé trois putain d’heures à préparer, par contre ton fric, ils te le boufferaient tout entier si tu les laissais faire. Bande d’ingrats.

    Celle qui me reste fait encore du bruit, elle pourrait pas…

    Merde, arrête de me pousser ! Même dans mon lit on veut plus de moi. Merde, j’existe moi aussi.

    Claqué.

    J’aimerais juste dormir. Oublier et fermer ces yeux qui me brûlent.

    Mal au cœur.

    Bon, toi t’as intérêt à ramener ton cul dans ton lit avant que je doive me lever.

    « Vas te coucher maintenant et ferme là ! »

    Tiens, ma gamine doit être en train de se faire baiser. En ce moment même. Ça viendra aussi pour l’autre. Ouai, je me serais fait castrer si j’avais su. C’est que du malheur. Même si je les aime mes gosses... Par contre elle est en train de me chauffer là, elle peut pas fermer sa grande gueule ! Merde, je me lève dans six heures moi ! Je sors d'une longue journée de boulot. Pour elle, pour qu'elle ait un toit sur sa tête et un truc dans le ventre. Mais rien à foutre, laisse tomber, elle en a rien à foutre !

    « -Allô ? Ah c’est toi… Si si ça va, c’est juste que tu tombes un peu mal, j’allais me coucher et mes parents dorment à côté. Non, attends ! Pourquoi tu m’appelles, tu as une toute petite voix… Encore ton patron qui fait des siennes ? Raconte moi tout ! Mais non, t’en fais pas, je suis là pour toi. Hé, doucement, doucement, pourquoi tu pleures ? La goutte d’eau de trop ? Je comprends, excuse-moi… Raconte-moi tout, je t’écourterai aussi longtemps qu’il le faudra.

    Pourquoi il ne cesse de te rabaisser, la pression des bouclages est déjà assez oppressante pour toi. C’est révoltant, il est ignoble, comment peut-il faire des choses pareilles… Oui, je sais, ton état de fatigue n’améliore rien. Mais il n’y a personne à qui tu pourrais en parler, un supérieur, un collègue…?  Okay, il n’en ont rien à faire et tes camarades te rabaissent et te laissent de côté… Je ne sais pas trop quoi te dire… En tout cas je suis là pour toi ! Ce bruit ? Oh euh, juste mon père, c’est rien... T’en fais surtout pas, mais non, il y a pas de soucis, tu as besoin de parler. Je vais un peu baisser la voix et ça ira.

    Tu ne pourrais pas démissionner? Attends, attends attends ! Laisse moi t’expliquer : Tu ne peux pas continuer comme ça, tu es malheureuse, et honnêtement tu n’es plus que l’ombre de toi-même... Tout ça parce que tu n’as plus de liberté. Rien ne vaut sans elle. Je sais bien que des personnes comptent sur toi, mais… Il faut que tu saches qu'aucun être vivant ou divin ne viendra te libérer. Pas plus que les hommes politiques, ou tes supérieurs : tu ne peux compter que sur toi. Et puis, si tu veux que les conditions des salariés, et des êtres humains s’améliorent il faut que tu ouvres le chemin. Si ça se trouve personne ne le fera jamais si tu n’agis pas. Ça ne changera rien pour les autres ? Pour moi si, tous les choix influent sur l’être humain, sur ses normes, ses valeurs et sa condition. Je ne sais pas, ma belle, je ne sais… »

    Le téléphone tombe. Un appel de Lou au loin. Boum. Il éclate en morceau. On me pousse. Je tombe. Douleur. Des cris. Une face rouge déformée par la rage.

    J’ai peur.

    Il faut te respecter ma petite. Lève les yeux.

    Dois résister. Donner l’exemple. Défendre ma liberté.

    « -Je suis désolée, j’aurai du faire plus attention mais c’est pas une raison pour… 

    -La ferme ! LA FERME! »

    Son corps tremble de rage. Le mien est secoué par des sanglots retenus. Une gifle me brûle la joue.

    Mise à terre par la tempête et fouettée par elle, je ne peux qu’attendre, sous une pluie d'insultes et de reproches, qu’elle se retire.

    La honte au cœur et ma liberté poignardée.


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  • Des cris. Des reproches. Des injures. Paroles violentes et vaines.

    Ça s’infiltre par les oreilles et ça submerge le cœur.

    Pour te protéger, tu glisses tes doigts tremblants dans ta poche béante. Tu en ressors un sinueux et svelte serpent sombre. Son corps de cuivre et de plastique se compose de deux têtes libératrices. Tu en saisis une première et la glisse résolument dans ton oreille.

    Les bruits ambiants commencent déjà à s’estomper.

    Ravi de ce constat, tu fais de même avec la seconde.

    Le monde extérieur n’est plus qu’un murmure tamisé.

    Mais ce n’est pas encore assez. Tout ce qui t’entoure doit disparaître. Et ce désir te fait trembler d’insatisfaction et de hâte alors que tu parcours le corps du câble sauveur pour en trouver la fin. Ça y est. Il ne te reste plus qu’à faire pianoter tes doigts sur quelques lettres et…

    Un air te remplit doucement les oreilles. Tu l’accueilles avec ravissement. Le voilà qui accélère. Tu reconnais bientôt le rythme endiablé d’une musique latine. Ton corps se moue immédiatement en réponse à ce bonheur sonore. Tu te sens léger. Heureux. Et surtout loin de tous ces soucis qui ne sont plus qu’un vague souvenir. Les gestes exécutés pour réaliser ta corvée sont naturellement incorporés à ta danse et se métamorphosent en pur plaisir.

    Devant tes yeux devenus insignifiants continuent de grimacer ces visages austères. Tu augmentes le son. Tu leur souris à pleine dents. Personne ne peut plus te meurtrir. Tu voles, au-dessus d’eux, au rythme des percussions, laissant l’abattement derrière toi.


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  • Ces doigts ; ces doigts plissés par les bourrasques du temps, ces doigts marqués par chaque instant vécu, ces doigts au contact doux et rugueux, ces doigts réconforts des nuits ténébreuses, ces doigts empreints de l’odeur de tous les mets servis, ces doigts tannés par le soleil qui lui est si cher, ces doigts ornés d’anneaux aux milles histoires, ces doigts où sèchent silencieusement de nombreuses larmes, ces doigts patte à modelée ridée de l'enfant chérie ; ces doigts tournent lentement les pages de toute une vie. Sous leurs caresses se dévoilent devant mes yeux émus des visages d'inconnus dont l'existence fut, pourtant,  déterminante pour moi. Et de petites bribes de vie s’agitent sous l’effet de sa voix aux biens attendrissants accents.

    Une grande tendresse à l’égard de ces inconnus familiers m’envahit. Je tiens avec mille précautions les petites photographies, marquées par le temps, qu’elle dépose dans mes mains grandes ouvertes. Je caresse doucement les bords ciselés de ses illustrations d’un autre temps.

    Absorbée par ce qui se déroule dans ce petit monde immobile, je ne parviens pas à deviner quelle émotion il suscite dans le cœur de l’être, bien vivant, qui se tient à mon côté. Je ne peux que supposer que la nostalgie doit s’être imposée. 

    Ainsi, après m'en avoir accordé quelques bribes, elle referme la fenêtre sur son passé.


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