• Un beau matin, une fois que la nuit a engloutie les cadavres de la veille, elle s’est levée avec l’envie de recommencer, de faire mieux, de se surpasser, de ne plus jamais tomber.  Bien qu’elle n’ait pas assez de mains ni de foi pour compter les maintes fois où cette scène s’est déjà rejouée, le même espoir niai et miraculeux anime encore ce jouet soumis à ses vices.

    Et pourtant, à peine s’est-elle engagée sur la voie de la vertu, à l’instant même où ses promesses allaient être tenues, qu’un obstacle la fait chuter, déchanter, et la ramène en son premier malheur. Et revoilà les anciens démons et les douleurs passées redevenues siennes et l’agitant à leur gré. La honte l’inonde. Coule, coule la petite marionnette…

    L’une de ses mains tente de l’extraire de cette abysse tandis que l’autre l’entraîne encore plus loin dans les sombres abysses, avide de remplir ce corps creux. Que faire à présent ? Comment réussir à rejoindre la surface alors qu’elle est déjà tellement empêtrée dans les tréfonds les plus noirs de sa personne. Pas de chance, la fin de journée est encore loin, il va falloir être brave, se libérer de ses fils autoritaires.  


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  • Elle tend la main vers l’infernale dune funestement chaude qui se dresse sur sa prison. Tout d’abord, elle a le geste hésitant typique des découvertes. Un mouvement esquissé, puis stoppé : manège répété. Enfin, elle ose. Sa main tremblante se pose. Mou, chaud. Écœurant. Néanmoins, elle ne peut plus décoller son membre, comme fascinée par cette masse immonde. Sa deuxième main rejoint bientôt l’autre dans cette bien fameuse aventure. Toutes deux parcourent doucement cette forme qui étouffe la "ni femme ni enfant". L’horreur est nourrie par cet infâme contact et par le poids de cette encombrante chair. A l’intérieur d’elle pèse tout ce qui fut ingurgité par ce corps qui se sentait vide. Alors que la conscience n’était plus qu’une faible braise, les mains fourbes avaient fauché tout ce qu'elles pouvaient atteindre et l’avait porté à la gueule qui avait tout englouti. La gorge porte encore la trace de l’honteuse nourriture.

    Soudain, elle griffe, tente d’arracher cette peau pesante qui n’est plus sienne et qui est lourde, si lourde…

    Sa pulsion destructrice se calmant, elle fait descendre les doigts assassins sur l’ignoble corps. Derrière eux : des traînées brûlantes sur le ventre. Elle palpe alors les cuisses grasses. Quel immanquable rappel des si nombreuses promesses bafouées. Comme il serait bon d’arracher tout ça, de s’en défaire…. Elle relève la tête. Sourit cruellement à la femmelette prisonnière de la glace alors que cette dernière accueille une gifle en plein visage.

    -Qu’est-ce que tu fous ! Pourquoi….

    Un râle échappe de la bouche souillée.

    Lentement, d’un pas pesant elle se dirige sur son cercueil douillet, laissant la silhouette nue s’arracher du miroir. Un pas, puis un autre et encore quelques-uns. On l’interrompt. Une demande insignifiante.

    -Merci.

    -Pardon.

    Elle s’arrête une demie seconde ressentant l’étrangeté de ces paroles, mais lasse de tout elle reprend sa marche sans plus d’interrogation.

    La voilà bientôt qui s’écroule, épuisée par le poids de la désillusion et par celui de son corps tortionnaire. Le contact de sa peau contre sa peau la révulse.

    Sous elle gisent les rêves et les projets trahis par sa volonté défaillante. Inerte, elle ne peut détacher son regard de son précieux temps qui file au rythme des aiguilles d’horlogerie. Ultime supplice.

     


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  • Je descends les escaliers un peu maladroitement, l’excitation allégeant mon pas mais me rendant également plus étourdi. Dans un bond je rejoins le sol. Et mes yeux se posent enfin sur ce paysage inconnu. D’immenses habitations d'un style nouveau s’étendent autour de moi. D’épaisses planches semblent indispensables pour soutenir ces murs aux couleurs majoritairement pastelles. Il se trouve un petit parc par-là, des enfants y jouent joyeusement. De la verdure est parsemée partout sur cet endroit paisible. Oh ! Voilà un étrange oiseau blanc et noir qui traverse le ciel ! Qu’il est grand et majestueux !

    Je dois bientôt me décider à traverser la rue recouverte d’une étrange et longue pierre noire semblable à un immense serpent assoupi. Je garde cependant un œil derrière moi. Ce n’est pas très prudent, mais que puis-je y faire ? Mon regard est comme happé par ce lieu nouveau.

    Un bruit assourdissant. Mon cœur s’emballe immédiatement. Ma tête fait des mouvements vifs pour identifier la provenance du danger. Ah, ce n’est rien. Que ce transport étrange que j’ai pris pour arriver ici. Le maître de cette géante chose me regarde avec agacement à travers un mur transparent. Je me dépêche alors de rejoindre l’autre rive avec un sourire d’excuse. Dans ma hâte j’empreinte une rue sinueuse sans plus de considération. D'étonnantes odeurs, de mets sûrement, remplissent l’air. J’en respire à pleins poumons, me remplissant de se mélange doux. Mes mains se promènent sur chaque mur, chaque plante, chaque construction, découvrant avec ravir des sensations singulières. Je demande alors qu’est-ce concrètement que ce « toucher » : j’essaye de le saisir, de le comprendre mais lui, si quotidien, me paraît de plus en plus inexplicable. Au point que mes propres mains que j’observe découvrir les différentes surfaces me semblent soudain étrangères. Troublé, je décide de continuer ma route. Je me mous, guidé par mon  intuition, je ne sais trop où je vais, mais j’ai le sentiment que ce long voyage va bientôt toucher à sa fin et qu’il me révélera bientôt son secret. Les intersections se succèdent, me donnent l’impression de m’enfoncer au cœur de la vie des habitants de plus en plus nombreux. Beaucoup ont déjà un certain âge, ils sont souvent bien en chair et revêtent de rondes joues rosées d’enfants. Dès que j’en croise un, je me fais un plaisir de lui faire un signe de la main. Ils semblent surpris, ces gentils bonhommes, mais me répondent systématiquement par quelques mots souriants.

    Soudain, à la sortie d’un chemin bordé d’habitations, surgit devant mes yeux l’une d’entre elle. Un peu plus petite, mais plus colorée, très chaleureuse. De fines planches blanches encadrent les murs transparents et ressemblent alors à de la dentelle venant parer ces harmonieux murs rosés. Je m’aperçois alors que mes jambes m’ont menées jusqu’à l’entrée de cette ravissante étrangère. Machinalement, je fouille dans mon sac et sors la mystérieuse clé qui m’appartient depuis… Depuis… Aussi loin que je m’en souvienne à vrai dire.

    Je rentre délicatement la clé dans le trou de la porte en me mordant la lèvre. La tourne doucement. Millimètre après millimètre. Un petit « clic » retentit. La porte s’ouvre devant moi comme pour m’accueillir.  Je retiens ma respiration. Pose un pied sur le sol conquit et…

    « Ah, mon chéri, tu es rentré ! C’était comment l’école ? Et le bus, pas trop long à venir ? Tu vas être content, je t’ai fait des cookies ! »

    …le charme est rompu. Bon tant pis. Bonjour mon village, bonjour maison, bonjour papa !


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  • Je suis heureuse, le ciel a revêtu sa robe rose et gronde sa passion à la face du monde dans un mugissement.

    Brusquement, un cis éclaire. Infini illuminé. Quel spectacle grandiose! Encore plus prenant lorsqu'une main, fraîche et insaisissable, se décide à venir caresser mon corps pour apaiser ses peines. Amie fidèle, je reste assise à côté de l’immensité et écoute sa colère. Et ce, de la même façon qu'elle fut le réceptacle d'un millier de mes pleurs.

    Le ciel est gris à présent. C'est fini. Ses passions l'ont meurtri. Après un dernier râle retentissant, il s'éteint dans un pesant silence. Plus de colère, plus d'amour. Seuls ses pleurs célestes témoignent de la vie qui s'éteint en son sein. Il ne restera, bientôt, plus qu'un corps inerte et froid qui glissera dans le noir néant.

    Les dernières larmes glissent sur sa face sombre et viennent se loger dans ma main attendrie. Tout s'arrête. Le noir.


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  • Regarde toi ! Petite âme née derrière des barreaux tu n’as de cesse de songer à l’avenir. Tu rêves de contrées inconnues, de grandes aventures et d’exploits extraordinaires. Blottie au fond de ta cage dorée tu te consoles en te disant que tes mains sont liées. Impuissance alliée. A travers tes yeux brouillés de larmes le combat semble perdu d'avance. La révolte s'est assoupie dans ce jeune cœur. La tête baissée, tu te résignes.

    Et le temps passe. Tu n’as vue défiler sous tes yeux que les vies d’autres. Pas de nouveau monde à l’horizon, seuls les mêmes quatre murs. Tu te dis que quand tu seras enfin libre, tu rempliras ton existence de toutes ces choses rutilantes qu'on brandit devant chaque enfant. Nourrie de ces mirages tu es vouée à espérer un sauveur. Cependant plus aucune chaîne ne te retient à présent, si ce n’est celles de ton esprit. Car finalement, tu te plais à ce monde d’illusion : pas de déceptions, de risques… Tout s’étendant encore devant toi, à porté de main, d'après tes yeux détraqués.

    Mais regarde-toi maintenant ! Tu pourrais être loin déjà ! Oh, oui, tu le sais pertinemment, et tu bous de jalousie devant ceux qui vivent. Tu te dis encore que ce sera bientôt ton tour ! Mais tu restes immobile, petite âme. Les seuls mouvements que tu fais sont voués à te fermer encore plus les yeux… Ton temps glisse entre tes mains et disparaît, lentement. A chaque seconde le monde de tes rêves se dérobe un peu plus à toi.

    C’est fini. Des nouvelles entraves ont pris la place des anciennes. Mais tu t’entêtes encore à te dire libre. Plus simple. Adieu petite âme. Disparais au milieu de ces âmes fictives auxquelles tu as consacré tes jours.


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